Introduction
La vaccination constitue une révolution majeure dans le monde de la médecine. Grâce à elle, des millions de vie ont pu être sauvées à travers le monde. Associée à des mesures d’hygiène elle a permis de combattre des maladies infectieuses potentiellement mortelles jusqu’à la disparition de certaines d’entre elles telles que la variole.
De la découverte du principe de la vaccination par Edward Jenner à sa mise en œuvre par Louis Pasteur, de nombreux vaccins ont vu le jour en suivant différents procédés de fabrication. Mais l’objectif reste le même, à savoir déclencher une protection efficace et durable contre un agent pathogène donné (bactérie ou virus) tout en limitant les risques potentiels.
Et aujourd’hui plus que jamais, l’enjeu est de taille pour tenter de contrôler la propagation de l’épidémie de COVID-19 dans le monde.
A travers cet article nous allons tenter de comprendre le principe de la vaccination, son histoire et les enjeux majeurs qui en découlent.
I Histoire de la vaccination
1) La variolisation
Les premiers principes de la vaccination remontent au 7eme siècle de notre ère en Inde où des bouddhistes buvaient du venin de serpent afin de s’immuniser contre cette toxine. Des écrits du 17ème siècle rapportent que la variolisation, ancêtre de la vaccination était déjà pratiquée en Chine. Elle consistait à prélever du pus séché issu de pustules de malades de la variole pour l’injecter ensuite à des enfants sains dans le but d’immuniser ces derniers.
Cette pratique n’est apparue en occident qu’en 1721 suite aux récits rapportés par Lady Mary Wortley Montagu de retour d’un voyage à Constantinople. Elle rapporte qu’en orient la variole n’est pas grand-chose grâce à la pratique de la variolisation. Intriguée, la cour d’Angleterre le fait tester sur les prisonniers criminels et sur des enfants nécessiteux. Face à son succès, elle décide même de l’appliquer sur les deux petites filles du roi Georges Ier âgées respectivement de 9 et 11 ans. La variolisation s’étend alors sur tout le contient, avec toutefois un risque de mortalité élevé, de l’ordre de 1 sur 50 au début du 18ème siècle. Son principe a également été appliqué à d’autres pathologies telles que la rougeole ou encore la syphilis.
2) La vaccination
En 1774, Benjamin Jetsy, éleveur de bétail anglais s’aperçoit que les fermières qui trayaient les vaches, ne contractaient jamais la variole alors qu’elles avaient toutes été infectées par la variole de la vache appelée « vaccine ». Il décide alors d’inoculer cette dernière à ses enfants et sa femme afin de les protéger contre la variole.
A cette même période, Edward Jenner, un médecin anglais qui exerçait à la campagne fit les mêmes constatations. Il posa alors l’hypothèse selon laquelle, la vaccine jouerait le rôle d’un « vaccin vivant atténué » contre la variole. En 1776, il vaccine un jeune garçon en injectant le pus d’une fermière contaminée par la vaccine. L’enfant ne contracte pas la variole. Le principe de la vaccination était né.
Mais Edward Jenner ne développe pas cette technique et l’utilise uniquement pour soigner la variole. Et il faudra attendre les travaux de Louis Pasteur à la fin du 19ème siècle pour que les premiers vaccins voient le jour.
En 1877 Louis Pasteur réussit à cultiver la bactérie causant le choléra chez les poulets. Mais son assistant oublie les cultures avant de partir en voyage, et les injecte seulement quelques semaines plus tard aux poulets. A la surprise générale, ces derniers ne tombent pas malades. Pasteur en conclut alors que les bactéries ont perdu leur virulence pendant le voyage, et que tout agent pathogène qu’on pourrait inactiver ferait potentiellement un bon vaccin. Il découvre ensuite comment atténuer le virus de l’anthrax et celui de la rage. Il observe que celui-ci perd sa virulence en passant d’un animal à un autre. Il répand alors la rage dans toute une série de lapins et prélève au dernier un peu de moelle épinière qu’il injecte à 50 chiens, réussissant ainsi à les immuniser.
En 1885, il parvient à sauver la vie d’un enfant de 9 ans, Joseph Meister qui avait été mordu par un chien enragé en lui injectant une série de doses de virus rabique de moins en moins atténuées.
Il publie alors un article en décrivant le cas. L’histoire fait le tour du monde et les dons affluent conduisant à la création de l’Institut Pasteur.
Durant tout le 20ème siècle on assiste à l’apparition d’un grand nombre de vaccins grâce notamment aux progrès scientifiques dans les domaines de l’immunologie et de la microbiologie.
II Le principe de la vaccination
La vaccination consiste à administrer à un individu sain un agent non pathogène (virus, bactérie) sous forme inactivée, atténuée ou des fragments de ce dernier. L’objectif étant de déclencher une réaction immunitaire qui va permettre à l’organisme de constituer ses armes en prévention d’une future « vraie » attaque. La vaccination permet en effet de développer des cellules immunitaires dites « mémoires », capables de reconnaître plus rapidement l’agent pathogène s’il venait à infecter l’organisme par la suite. Mais ces cellules mémoires ont tendance à diminuer avec le temps et des piqures de rappel sont parfois nécessaires.
1) La réponse vaccinale
Lors de la première administration du vaccin, l’agent infectieux ou les fragments de ce dernier (antigènes) sont repérés et détruits par les cellules phagocytaires (macrophages, cellules dendritiques). Après les phases d’ingestion et de digestion, celles-ci vont présenter à leur surface certains fragments antigéniques associées au Complexe Majeur d’Histocompatibilité de type II (CMHII). On parle alors de cellules présentatrices d’antigènes ou CPA, qui après une cascade de réactions inflammatoires migrent vers le ganglion lymphatique le plus proche pour présenter les antigènes aux lymphocytes T CD4 naïfs. Les LTCD4 jouent un rôle prépondérant dans l’adaptation de la réponse immunitaire.
En effet, ces cellules appelées auxiliaires ou « helpers » interviennent dans la prolifération et la différenciation des lymphocytes B et T8 via la production de diverses cytokines.
Elles stimulent ainsi la différenciation des LTCD8 en LT8 mémoires et LT cytotoxiques capables de détruire directement les agents pathogènes, c’est ce que l’on appelle la réponse cellulaire.
Quant aux lymphocytes B, qui jouent également le rôle de CPA, elles vont s’activer au contact de l’antigène vaccinal et se différencier en plasmocytes producteurs d’anticorps de faible affinité (IgM). Ce qui constitue la réponse dite humorale. Mais sous l’impulsion des LT4, les LB vont se transformer en plasmocytes producteurs d’anticorps de plus forte affinité (IgA et IgG) et en lymphocytes mémoires. Les anticorps ainsi produits vont être capables de reconnaitre directement l’antigène avant que l’agent pathogène ne pénètre dans la cellule. Cette propriété sera conservée dans les cellules B mémoires qui pourront, à l’avenir intervenir plus rapidement.
En réalisant une vaccination, nous créons une sélection de lymphocytes et mettons en route une réaction immunitaire dite adaptative. De ce fait notre corps va produire des populations mémoires de LB et LT et avoir dans le sang une charge suffisamment importante d’anticorps pour nous protéger lors d’un éventuel futur contact avec le « vrai » pathogène.
2) Les différents types de pathogènes
On dénombre actuellement trois grands groupes de pathogènes pour lesquels il existe ou sont à l’essai des vaccins :
3) Les différents types de vaccins
On distingue deux grandes classes de vaccins : les vaccins vivants atténués et les vaccins inertes (germe entier ou sous-unités). Un vaccin doit posséder trois grandes caractéristiques :
– Etre efficace : induire une mémoire immunitaire et être durable
– Présenter une grande sécurité d’emploi
– Etre facile à administrer en termes de modalité et de nombre d’administrations
a) Les vaccins vivants atténués
Ils constituent les premiers types dans l’histoire vaccinale. Un vaccin vivant atténué contient l’agent infectieux vivant dont le pouvoir pathogène est affaibli selon différents procédés. Il induit une forme atténuée de la maladie tout en stimulant les défenses immunitaires de l’organisme. Sa principale qualité réside dans sa capacité à provoquer une réponse immunitaire rapide, efficace et durable. Ce type de vaccin ne nécessite pas d’adjuvant et un petit nombre de rappels suffit. Mais il présente un risque d’exposition à la maladie vaccinale qui ne peut pas être négligé notamment chez les personnes immunodéprimées et les femmes enceintes.
Voici quelques exemples de vaccins vivants atténués :
La voie d’administration la plus fréquente est la voie sous-cutanée sauf pour le vaccin contre le BCG qui est administré par voie intradermique afin d’activer plus rapidement les cellules dendritiques présentatrices d’antigène. Il existe la voie muqueuse (buccale, nasale) pour des vaccins d’infections digestives (gastro-entérite) ou respiratoires (grippe).
Dépourvus de tout pouvoir pathogène, ces vaccins ont besoin pour être efficaces l’ajout d’adjuvants et des administrations répétées tout au long de la vie. Ils regroupent des vaccins à germes entiers et des vaccins sous-unitaires.
- A germe entier
Ils contiennent tout le corps bactérien ou viral dont le pouvoir pathogène est inactivé par différents procédés thermiques ou chimiques. Ils sont ainsi dotés du pouvoir immunogène sans risque d’exposition à la maladie vaccinale. En voici quelques exemples:
– Grippe
– Poliomyélite
– Hépatite A
– Rage
– Leptospirose
– Choléra
La difficulté réside à inactiver le virus ou la bactérie sans dénaturer ses composants afin qu’il reste immunogène. Trop dénaturé, le virus n’induira pas une réponse immunitaire protectrice et pas assez inactivé, il peut être dangereux pour le vacciné.
En général, l’immunité induite par les vaccins inactivés est moins forte et moins durable que celle des vaccins vivants. C’est la raison pour laquelle le développement des vaccins vivants perdure mais leur utilisation requiert beaucoup de contraintes notamment au niveau de la chaine du froid.
Par ailleurs de nombreuses réactions inflammatoires ont été associées à ce type de vaccin contrairement à leurs homologues sous-unitaires.
- Sous-unités
Ces vaccins contiennent seulement des fractions antigéniques du pathogène responsables de la réponse immunitaire. Cette sous-unité immunisante peut être obtenue de différentes façons :
-A partir des composants de l’agent infectieux lui-même, par exemple :
- De ses protéines : coqueluche, rage
- Des anatoxines : diphtérie, tétanos
- Des polyosides composant son enveloppe : pneumocoque, méningocoque
– Issues du génie génétique :
- Hépatite B, coqueluche, papillomavirus
Le développement du génie génétique a ainsi donné un nouvel essor à ce type de vaccins induisant une réponse immunitaire plus efficace. L’ajout d’adjuvants et la conjugaison à des protéines recombinantes permettent également d’améliorer l’immunogénicité des vaccins sous-unité.
c) Les vaccins conjugués
Ces vaccins sont composés d’une fraction de l’agent infectieux (polysaccharides à la surface des bactéries par exemple) associée à une protéine porteuse qui va engendrer une meilleure réponse vaccinale.
Les polysaccharides, seuls, n’entrainent pas une réponse immunitaire suffisante à court ou long terme. De plus ces sucres présents dans la capsule bactérienne, ne provoquent l’immunité qu’à partir de l’âge de deux ans chez l’enfant et pas avant.
Les chercheurs ont alors eu l’idée de coupler ces molécules avec des composés de plus haut poids moléculaire et une plus forte affinité que sont les protéines. La conjugaison à ces molécules très immunogènes a montré son efficacité avec des vaccins contre l’Haemophilus Infuenzae de type b, le méningocoque ou encore le pneumocoque. Les protéines porteuses les plus utilisées sont les anatoxines des bacilles du tétanos, de la diphtérie ou de la coqueluche.
Cela permet notamment d’induire une protection durable en stimulant les LTCD4 responsables d’une réponse immunitaire de type mémoire et de générer une immunogénicité dès l’âge de 2 mois.
4) De quoi est constitué un vaccin
a) Un agent infectieux
Le principal composant d’un vaccin dérive de l’agent infectieux et a pour but de stimuler la réponse immunitaire. Il peut être dilué dans de l’eau salée ou stérile.
b) Un agent de conservation
Permet d’empêcher la contamination par des microbes ou champignons.
Exemples: Le thiomersal présent dans le vaccin de la grippe
c) Des stabilisants ou stabilisateurs
Qui servent à garder la qualité du vaccin pendant le stockage.
- Protéines : albumine d’œuf, gélatine
- Sucres : lactose, saccharose
d) Un adjuvant
Qui permet d’améliorer l’immunogénicité du vaccin.
- Sels d’aluminium (hydroxyde, phosphate ou disulfate) prolongent la persistance de l’antigène dans le corps et entrainent ainsi une réaction immunitaire plus durable. Ils stimulent également une réponse inflammatoire qui provoque l’activation des phagocytes et lymphocytes T auxiliaires.
- Squalène, nouvel adjuvant à base d’émulsion « huile-dans-l’eau » qui va générer une libération lente de l’antigène dans le but de faire durer la stimulation du système immunitaire.